"Nous devons apprendre à respecter la vie sous toutes ses formes "

Théodore Monod

La photographie de tigres dans leur élément naturel n'est pas facile.

Le tigre est un animal discret, vivant la nuit et profitant souvent de l'obscurité pour chasser.

L'environnement dans lequel il évolue, est composé de forêts, sous-bois et bambouseraies. Ces lieux lui assurent la furtivité nécessaire à sa protection, à celle de ses petits et à la réussite de ses chasses.
Souvent les visions durent à peine quelques minutes, avec des herbes, branches ou bambous dans le champ.
Comme son lieu de vie est en sous-bois, la lumière est pauvre.
Enfin, le tigre se rencontre très tôt le matin ou très tard le soir, d'où un manque de lumière.
Il est donc difficile d'observer cet animal dans de très bonnes conditions .


Par le passé, nombreux étaient les touristes faisant des milliers de kms pour voir ce splendide animal, et repartant déçus de ne pas l'avoir vu, malgré de nombreuses heures de recherche.

Aussi les autorités indiennes ont instauré, dans quelques parcs, le "Tiger Show". ***

Après avoir recherché et enfin localisé un tigre, les mahouts et leurs éléphants vont chercher les touristes et les amènent près du félin, pour une observation de quelques minutes.

C'est très court, mais ces instants à quelques mètres du seigneur de la jungle sont d'extraordinaires moments de bonheur.

Hormis le Tiger Show, les safaris se font à bord de jeeps Maruti sur des pistes très poussièreuses.

Le hors-piste est interdit et l'on passe la nuit à l'extérieur du parc (à quelques exceptions près).


***Les Tiger show viennent d'être interdits à Bandhavgarh et Kanha où ils étaient pratiqués. Seule reste la location de l'éléphant à la demie-journée, plus onéreuse et beaucoup plus respectueuse des animaux.

En quelle saison vaut-il mieux partir?
C'est une question que l'on se pose afin de mettre le plus de chances de son côté.
Je répondrais: toutes, hormis la saison comprise entre le 15 juin et le 15 octobre, pour cause de fermeture des réserves au public.
Ainsi, tout dépend de vos priorités.
En hiver, la végétation sera verte et dense, la lumière douce, l'air plus pur et les tigres plus discrets. En été, la chaleur pousse les tigres à se rendre aux points d'eau, mais la lumière est mauvaise. Les félins souffrent de la chaleur. Ils sont donc moins actifs.

N'oublions pas que les tigres sont de gros chats... et qu'ils dorment souvent.


Pour ma part, je varie les mois pour diversifier l'environnement de mes observations et photos.
J'essaye également, en relation avec mes informations, d'être sur le terrain lorsque d'heureux évènements se produisent. C'est alors un challenge d'arriver à photographier la maman et les petits. Le Graal du photographe animalier.


Mon conseil, pour une première fois, est de partir en mars/ avril, en faisant attention de ne pas se trouver pendant les vacances scolaires indiennes.

Pour le matériel photo, je pense que le couple d'objectifs idéal est un zoom 80/200 ou 80/400, et un 500 (pour le format FF 24x36) ou 300 (pour le format Aps). Si possible avec de grande ouverture et stabilisé.
Prévoir un converteur pour les gros plans à partir de la jeep. Pour une visée/stabilité de qualité, prévoir un bean-bag.

Le numérique offre de grandes possibilités en hautes sensibilités et le coefficient multiplicateur du format Aps est un réel avantage pour éviter le recours à de gros, lourds et chers objectifs; le rendu est cependant différent qu'avec le FF. Mais cela reste une question de puristes.

Enfin, l'essentiel : un bon guide et beaucoup de chance.

Mon équipement, lorsque je pars en Inde :

PHOTO: CANON 1DX MarkII, 5D Mark III, 7D Mark II, 200-400mm f/4L IS USM Ext 1.4x, 70-200mm f/4L USM,

70-300 f/4-5.6L USM, convertisseur X2, SIGMA 24-105 F4 "Art"

NIKON 1 boitier F6, 2 Boitiers Nikon D2X, objectifs Nikon 500 F4 Vr, 200-400 F4 VRII, 300 F2.8 VR, 70/200 F2.8 VR, Tc 2 III, Tc 1.4 II, Tc 1.7 II, 50 F1.4, 24 F2.8, 10/24 F4

VIDEO: 1 Boitier Panasonic GH3, objectifs 14/45 et 45/175, bague adaptatrice Nikon/MFT 3/4, micro Rode Videomic pro, enregistreur Zoom h4n, écran moniteur Ruige 5", rotule vidéo Manfrotto

Ordinateur portable Apple, cartes Sandisk ExtrèmeIII, cartes Lexar 64 Go, monopode et rotule Manfrotto, trépied et rotule Benro, bean-bag, sacs Lowepro et Kiboko, jumelles Steiner Skyhawk 8x42

A LIRE:

Je lis et entends souvent (y compris venant de photographes pros) une comparaison entre l'Afrique et l'Inde, et très défavorable à cette dernière.

Rappelons quand même que la faune indienne est aussi variée que celle du continent africain.

La "déception" de beaucoup tient au fait que l'environnement naturel indien est largement constitué de forêts et que la pression humaine entraine une très forte dégradation de celles-çi. Les animaux sont en nombre bien moins important et l'habitat de jungles et de forêts n'offre pas la même visibilité que la savane africaine.

Quand aux parcs nationaux indiens accusés des pires maux, ce sont des endroits gérés par un pays à la tête d'une population de 1 milliard 100 millions d'habitants. Il y a pour celui-çi des problèmes plus urgents.

Les parcs indiens, n'autorisent pas le hors piste, les safaris de nuit, les séjours à l'intérieur des parcs (sauf de rares exceptions), les safaris à pied, et l'approche de très près se fait avec un éléphant, et non en jeep hors piste. Les parcs ferment 18 heures par jour.
Voilà qui démontre une volonté de bien faire. Mais celà entraine moins de possibilités de photos, d'où la déception de nos photographes préoccupés de protection.

On reproche la longue file des véhicules devant un tigre. C'est un fait et c'est choquant, surtout pour un animal aussi rare.

Mais les léopards africains, en certains endroits (restons diplomates) ont la même foule. Et les cohortes de 4x4 sur les pistes des grands parcs africains? Evidemment, l'espace étant moins confiné, celà passe mieux.

Il y a également la solution des parcs privés africains qui gèrent peu de touristes, mais les réservent à une élite (l'entrée des parcs indiens, pour les indiens, est de 1 €...)
Imaginez des tarifs semblables dans les parcs africains (!?), qui ne seraient plus réservés aux occidentaux et seraient ouverts à la population autochtone noire, avec une fréquentation de 10 natifs pour 1 étranger...


En Inde, les gens viennent pour voir le tigre et quand l'un d'eux est aperçu, tout le monde y va.

Il y a pourtant une façon d'éviter la foule, c'est d' AGIR A CONTRE-COURANT.

En effet si un tigre est signalé, toutes les jeeps se ruent au même endroit.
C'est alors l'occasion d'être tout seul, AILLEURS.

Avant les safaris, les guides vont aux informations auprès des gardes qui leur indiquent l'endroit où un tigre a été vu. La foule se rue alors à cet endroit.

Depuis plusieurs années, j'applique la méthode "contre-courant". Pas de Tiger show. Pendant que les gens s'agglutinent pour attendre leur tour de voir un tigre en train de dormir, mon guide et moi-même, nous cherchons les tigres. Pareil pour les infos. Nous y allons rarement, ou alors en fonction du tigre.

Résultat, moins de spots (nombre de tigres vus pour parler comme beaucoup) mais de temps en temps 1 heure en compagnie d'un tigre qui tourne autour de votre jeep, et qui une fois accoutumé à votre présence vous offre l'immense privilège de partager un moment de sa vie (roulades, sauts, marquages, flemen, ...)
Et vous êtes tout seul...Face à face.

Souvent je retrouve les mêmes rares habitués qui adoptent cette méthode (je pense à un ami photographe indien), nous sommes alors...2..., loin du chahut, à contempler un spectacle rare.

Une autre variante de "ma" méthode, dans des parcs plus vastes, est de délaisser les zones touristiques.
Ex: à Khana, laissez de côté la zone de Khana meadow et allez plutôt dans les forêts de Kisli. La dernière fois j'ai cotoyé un tigre pendant 45 minutes. Une fois le tigre parti, un ours (sloth bear) est passé dans mon dos...Enfin, dans cette solitude, un autre + est de pister les félins (empreintes, hypothèses sur les traces, cris d'alertes, ...)

Evidemment, il faut connaitre, ou plutôt réellement s'intéresser à cette faune. En sachant que tout doit se mériter, et oublier l'apparente facilité de vision qu'offrent d'autres continents.


Je comprends fort bien les gens qui n'ont jamais vu de tigres. Voulant absolument en voir un, ils se précipitent. J'ai fait partie de ceux-là (et encore de temps en temps).

Les amateurs ont cet avantage sur les pros, c'est qu'ils n'ont pas besoin de rentabiliser. Alors une 1ère fois, oui, foncez lorsque on vous annonce "tiger", mais après, une fois charmé, rentrez véritablement dans le jeu du tigre, qui est celui de la patience et de la discrétion. Vous y découvrirez un monde fabuleux.

Lors d'un de mes voyages en Inde, j'ai passé 9 jours sans voir un tigre à Bandhavgarh. Je savais où il y en avait, mais on a laissé la place. Les prévisions de conditions d'observations et de photos n'étaient pas satisfaisantes. Lorsque je rentrais au lodge, les touristes me parlaient de leurs observations. Une fois les photos visionnées, je voyais bien que j'avais raison de préférer ma méthode. Le 10e jour, j'ai eu la plus grande expérience animalière de ma vie. Récompense d'une patience apprise auprès du grand félin et de cette recherche du contact le plus étroit (voir içi). Avec de nombreuses jeeps autour, je n'aurai pas vécu celà.
Alors, plus que jamais, essayez d'aller un peu plus en profondeur dans le royaume du tigre. A son rythme.

Nota: L'objet de cet article n'est pas de polémiquer et de mettre en opposition Afrique et Asie, évidemment. J'aime trop ces continents. Juste une réaction à des propos superflus venant d'amateurs et de professionnels.

C'est aussi pour donner un droit de réponse à tous ces guides indiens que je vois désemparés face aux récriminations des touristes.

Et je ne défends pas systématiquement la gestion des parcs indiens (au contraire, voir mes posts "NEWS")